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Redonner du pouvoir d'agir au patient atteint d’un cancer, c’est le rôle du psychothérapeute

J'ai un cancer... Ces mots résonnent dans mon esprit avec une force insoupçonnée. Pourquoi d'ailleurs dire j'ai un cancer ? Je ne l'ai pas choisi, je ne l'ai pas voulu. Ce n'est pas un bien précieux que l'on possède, mais un intrus qui s'est invité chez moi de force, sans y avoir été convié. Un envahisseur qui s'empare de ma vie avec violence, bouleversant tout sur son passage. 

L'annonce d'un cancer, ce moment où le médecin prononce ces mots avec une froideur clinique ou avec compassion, agit comme un coup de tonnerre. « Vous avez un cancer ». On se prépare mentalement à l’annonce, mais rien ne peut vraiment nous préparer à cela. 
Car soudain, tout bascule. 
La vie, telle que nous la connaissions, s'effondre. La normalité s'effrite, laissant place à un univers de peurs et d'incertitudes.

La maladie s'installe brusquement, bousculant chaque aspect de notre quotidien. Parfois, l'annonce est faite sans ménagement, sans égard pour l'humain qui se cache derrière le corps malade. 
On se retrouve projeté dans un monde où les attentes interminables, les rendez-vous médicaux, les bilans angoissants et les traitements épuisants deviennent la norme. On entre dans un parcours du combattant sans en avoir le choix, avec le sentiment de perdre peu à peu le contrôle de sa propre existence.

 

"Le psychothérapeute accompagne le patient dans cette bouleversante traversée"

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Dans ce tourbillon d'émotions et de réalités nouvelles, cette perte de repère, c'est là que le psychothérapeute intervient, tel un phare dans la tempête. Son rôle est essentiel, car au cœur de cette épreuve, il permet de restaurer une certaine forme de stabilité. Mais en quoi, précisément, un psychothérapeute peut il aider, accompagner une personne atteinte de cancer ? 

La réponse se trouve dans l'écoute attentive et bienveillante que le psychothérapeute apporte

 

​​Le cancer ne réduit pas un individu à sa seule maladie, bien qu'il semble parfois envahir chaque parcelle de son être. Le psychothérapeute crée un espace où le patient peut être entendu dans toute sa singularité, en tant que personne et non seulement en tant que malade. Cet espace est précieux, car il permet de redonner une place à l'individu derrière la maladie, de réaffirmer son identité.

Offrir un espace protégé pour apprivoiser les émotions violentes

Dans cet espace protégé, l'aspect médical est temporairement mis de côté. On ne parle plus uniquement de traitements, de statistiques ou de pronostics. On parle de l'humain, de ce qu'il ressent, de ce qu'il traverse. La parole devient un moyen de donner du sens à l'expérience, de l'apprivoiser, de la dompter. Le psychothérapeute n'apporte pas de réponses toutes faites, mais il aide à poser les questions autrement, à envisager d'autres perspectives.

 

Cette maladie qui s'invite brutalement dans la vie d'une personne la confronte à sa vulnérabilité, à sa finitude. 

Les émotions qui en résultent sont multiples : peur, tristesse, colère, honte, culpabilité. Elles sont souvent violentes, envahissantes, paralysantes. Comment affronter cette avalanche de sentiments contradictoires ? Comment se réapproprier son corps, qui devient un champ de bataille médicalisé ? Comment ne pas se perdre, se dissoudre dans cette nouvelle identité de « patient cancéreux » ?

 

Le psychothérapeute accompagne le patient dans cette traversée émotionnelle. Il l'aide à mettre des mots sur des souffrances indicibles, à donner forme à ce chaos intérieur. Dans cet échange, la personne peut exprimer ce qu'elle n'ose dire ailleurs, peut-être par peur de blesser ses proches, ou parce que les mots ne parviennent pas à sortir. 

Le thérapeute devient alors ce miroir bienveillant qui reflète les émotions, sans jugement, permettant à la personne de se reconnaître, de se réapproprier son vécu.

 

Au-delà de l'aspect émotionnel, le cancer fragilise également l'image de soi et la psychothérapie est une aide.

Le corps devient le théâtre de transformations souvent traumatisantes. Les traitements, comme la chimiothérapie, modifient l'apparence, affaiblissent. Voir ses cheveux tomber, son corps s'affaiblir, le regard que l'on porte sur soi change. 

Et il y a cette question lancinante : comment se reconnaître dans ce corps que l'on ne reconnaît plus ? Comment maintenir une estime de soi quand l'image dans le miroir ne correspond plus à ce que l'on a toujours connu ?

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Aider à se réconcilier avec soi-même

Ici encore, le psychothérapeute joue un rôle crucial car il permet à la personne de renouer avec elle-même, au-delà de l'apparence physique.

Il l'aide à se dissocier de ce corps malade, à comprendre que son identité ne se résume pas à cette enveloppe corporelle altérée. Il l'accompagne dans le processus de réappropriation de son corps, même lorsqu'il est abîmé par les traitements, abimé par les interventions chirurgicales. Ce travail de réconciliation avec soi-même est lent, douloureux, mais indispensable pour retrouver une certaine paix intérieure.

 

Un autre enjeu majeur est celui du rapport au temps. Le cancer impose un rythme que le patient ne choisit pas. Entre les rendez-vous médicaux, les périodes d'attente, les incertitudes sur l'avenir, la temporalité devient floue, incertaine. Le présent est lourd, le futur menaçant, et le passé semble désormais lointain, appartenant à une autre vie, celle d'avant la maladie. Comment alors retrouver une forme de continuité dans sa propre existence ? Comment ne pas sombrer dans l'angoisse de l'avenir ou la nostalgie d'un passé révolu ?

 

Le psychothérapeute aide à retrouver cette temporalité propre à chacun. Il permet au patient de se reconnecter au présent, non pas comme une étape transitoire douloureuse, mais comme un moment à vivre pleinement. Cette reconquête du temps est un acte de résistance face à la maladie. Cela permet de se projeter, malgré tout, dans un avenir incertain mais possible, d'envisager un après, même si cet après n'est pas encore visible ou tangible.

Un espace où il est permis d’être soi-même

Vivre avec le cancer, c'est aussi apprendre à composer avec les réactions des autres. Les proches, les amis, les collègues, tous ont des réactions différentes face à la maladie. Certains fuient, incapables de faire face à cette réalité qui les effraie. D'autres, bien intentionnés, prodiguent des conseils maladroits, minimisent la gravité de la situation ou, au contraire, dramatisent à l'excès. Il y a aussi ceux qui veulent voir dans le cancer un symbole, une leçon à tirer, un combat à mener avec courage et détermination. Mais comment se battre contre soi-même, contre son propre corps qui semble nous trahir ?

 

La psychothérapie permet de prendre du recul par rapport à ces discours extérieurs. Il offre un espace où l'on peut être soi-même, sans devoir se conformer aux attentes des autres. Dans cet espace, il n'est pas nécessaire de « se battre » ou d'être « courageux ». Il est simplement permis d'être vulnérable, d'avoir peur, d'être en colère, d'être humain.

 

Le psychothérapeute aide également à gérer cette solitude souvent écrasante qui accompagne le cancer. Même entouré, le patient peut se sentir terriblement seul, incompris. Car, au fond, personne ne peut vraiment comprendre ce que c'est que de vivre avec le cancer, sauf peut-être ceux qui l'ont traversé. Ce sentiment d'isolement est amplifié par le fait que, pour les autres, la vie continue. Le monde ne s'arrête pas, il tourne toujours, avec ses petits tracas quotidiens qui paraissent soudain dérisoires face à l'immensité de la maladie.

 

Dans ce contexte, la psychothérapie permet de créer une connexion, un lien. C'est un lieu où la solitude peut être partagée, où l'on se sent compris, même dans ce qui paraît incommunicable. Ce lien thérapeutique devient un espace de respiration dans une existence qui semble suffocante.

Après, vivre avec son expérience traumatisante

Enfin, il y a l'après. Car pour beaucoup de patients, il y a un après, une fois les traitements terminés, une fois la maladie en rémission. Mais cet après n'est pas toujours synonyme de soulagement. La vie après le cancer est marquée par cette expérience traumatisante. Il y a les cicatrices, visibles et invisibles, et cette peur omniprésente de la rechute. Comment continuer à vivre avec ce poids, avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête ?

 

Le psychothérapeute aide à faire la transition entre l'avant, le pendant et l'après. Il permet de tisser des liens entre ces périodes, de recréer une continuité dans une existence qui semble morcelée. Comme le décrit si justement Danièle Deschamps, il s'agit de repriser la toile de la vie, de recoudre patiemment les accrocs, point par point. Ces cicatrices resteront, certes, mais elles ne seront plus des plaies ouvertes. Elles feront partie intégrante de l'histoire de la personne, sans la définir totalement.

 

Ainsi, le rôle de la psychothérapie est de redonner du pouvoir d'agir au patient, de lui permettre de se réapproprier sa vie, son corps, son identité, malgré la maladie. Il est ce guide bienveillant qui accompagne le patient à chaque étape, dans l'épreuve mais aussi dans la reconstruction. Le cancer laisse des traces indélébiles, mais il n'éteint pas la vie.

Sandrine Tatreaux
Psychanalyste P.A.R.
36 rue Levot
29200 Brest

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